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Enjeux et approches 
Exemple d'approche Bottom-Up : The Chemoton Model

Il s’agit d’une conception formulée par le biologiste Tibor Gánti  en 1971 dans son œuvre, les Principes de la vie.

Il y expose sa théorie quant au dernier ancêtre commun universel, LUCA, qu’il décrit comme une protocellule (structure considérée à l’origine de la vie) possédant trois sous-systèmes qui définissent les critères du vivant. Un assemblage moléculaire est considéré comme vivant s’il peut se régénérer, s’auto reproduire, et évoluer. Ainsi selon ce modèle, tout être vivant se doit d'être doté :

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  • d’un système formant une bi-couche lipidique. Celle-ci remplit une fonction premièrement structurale mais joue également  le rôle de barrière chimique pour délimiter et isoler l’intérieur de la cellule comme un espace privilégié.

 

Voir le schéma d’une membrane plasmique fonctionnelle en cliquant ici

 

  • D’un système métabolique auto-catalytique. Il sert de moteur énergétique chimique : de part sa capacité d’autonomie, il fournit à l’organisme l’énergie dont il a besoin pour synthétiser toutes les macromolécules nécessaires. Cette énergie est obtenue à  partir d’éléments (nutritifs, minéraux, …)  captés dans le milieu extérieur. Le métabolisme (  ) est indispensable pour que l’être vivant se maintienne en vie, qu’il évolue et  se reproduise. (Ex : respiration cellulaire, photosynthèse…)

 

  • D’un système génétique remplissant la fonction de transcription et de traduction de façon spontanée et autonome.

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Biologiste et biochimiste qui a défini à travers le modèle Chemoton, le système minimal de la vie. Il a enseigné la biochimie industrielle et la biologie théorique à l'université en Hongrie.

Métabolisme = ensemble des réactions biochimiques ayant lieu dans l'organisme :

  • Anabolisme = ensemble des réactions de synthèse qui nécessite de l'énergie.

  • Catabolisme = ensemble des réactions de dégradation pour produire de l'énergie.

La construction d’une cellule minimale résulterait de l’intégration de l’information, du métabolisme et de l’auto-assemblage. La difficulté est donc de réussir à élaborer un système communicant et autonome avec trois composantes majeures interdépendantes. 

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La cellule, unité de base du vivant, se définit également par sa capacité d’adaptabilité à son environnement et sa communication. En effet, celle-ci est capable d'envoyer ou de capter des signaux provenant de cellules voisines ou du milieu qui l'entoure. Ainsi « the Chemoton model » remplit en théorie les caractéristiques d’une vie cellulaire minimale puisqu’il s’agit d’une structure ayant une activité biologique et capable de proliférer en se reproduisant.

Tibor Gánti

(1933-2009)

Protéome minimal = ensemble des protéines nécessaires à la cellule minimale pour assurer ses fonctions vitales. Le génome composé de gènes code pour les protéines composant le protéome

A partir de l'article traitant des "notions de bases", nous avons pu apprendre que tous les organismes étaient capables de se répliquer, de se développer via des procédés métaboliques et de répondre aux conditions environnementales. De plus, ces organismes partagent de nombreux composants cellulaires communs. Cependant la taille du génome varie énormément. Certains organismes comme Mycoplasma (bactérie) ont réussi à établir un cycle de vie uniquement à partir de 480 gènes alors q'une levure en requiert 10 000 et l'Homme en comporte 20 310. Cela établit que beaucoup de gènes codent pour des fonctions non relatives aux procédés fondamentaux du vivant. Les chercheurs se sont donc demander si tous les gènes, dont sont dotés les organismes, sont indispensables au cycle de vie minimale de leurs cellules.

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La biologie de synthèse se retrouve au cœur de plusieurs enjeux fondamentaux et applicatifs. Etant un domaine en plein essor et multidisciplinaire, on peut distinguer différentes approches pour aboutir à la création d’une cellule artificielle minimale.

 

En savoir plus sur la structure de la cellule eucaryote et procaryote en cliquant ici

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1. Les enjeux :

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  • Intérêt fondamental : On considère les travaux menés en biologie de synthèse comme des prouesses technologiques. C’est un enjeu primordial car l’élaboration d’une cellule fonctionnelle confirmerait notre compréhension du vivant.

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« Ce que je ne comprends pas, je ne peux pas le construire », Richard Feynman (1988). Ainsi être capable de construire un organisme vivant est pour nous la preuve qu’on le comprend et qu’on en comprend les subtilités.

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  • Intérêt applicatif : On met les connaissances acquises grâce aux travaux menés en biologie de synthèse aux profits d’applications destinées à l’industrie.

Aujourd'hui encore, on détourne des organismes unicellulaires déjà existants pour des fins industrielles. Par exemple on utilise des souches de levures génétiquement modifiées pour produire des phytases, un vaccin anti-hépatite B, des anti-coagulants et différentes protéines ou enzymes (hémoglobine, glucoses oxydase,...). Pourtant ce n’est pas ce qui est le plus efficace. En effet, malgré l’universalité du code génétique et du dogme en général, le transfert de gènes d’une espèce à une autre n’est pas forcément systématique et efficace. De plus, la production protéique à partir d'un gène peut être faible ce qui en fait des organismes peu rentables. 

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D'autre part, la production de protéines actives nécessite dans certains cas des modifications comme une glycosylation ou une protéolyse partielle qui sont réalisées spontanément dans la cellule. C'est pour cela que l'on fait produire certaines substances à valeur ajoutée à des bactéries ou des levures. Cependant ces organismes possèdent un important génome, dont tous les gènes ne sont pas nécessaires pour accomplir cette tâche. 

 

L’idée serait donc de créer un organisme nouveau, entièrement synthétique qui servirait de châssis ou de base. On aboutirait à une cellule ayant le design et la conception que l’on veut pour qu’elle soit optimale pour une tache donnée/une application. Ces cellules réduites joueraient le rôle de mini réacteur fonctionnel et performant qui synthétise des produits à plus faible coût. La biologie de synthèse constitue ainsi une nouvelle étape dans la mise en place de bioréacteurs cellulaires artificiels. En effet, ceux-ci sont destinés à réaliser des réactions complexes utilisables dans l'industrie et dans le domaine médical. Cet organisme synthétique constituerait une structure « universelle » dans laquelle on insérerait les gènes codants pour la synthèse de molécules d’intérêts. La création d’un tel organisme serait beaucoup plus adapté pour les applications industrielles.

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Découvrir les applications en cliquant ici 

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2. Deux approches possibles :

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  • L’approche TOP DOWN : c’est une conception déconstructiviste qui consiste à simplifier un organisme existant complexe pour aboutir à une cellule plus simple à manipuler et moins couteuse pour l’industrie.

 

C’est l’idée de la cellule minimale : on simplifie les composants de la cellule et on ne laisse que ce qui est strictement nécessaire à son bon fonctionnement pour obtenir une cellule "allégée". Cette cellule modifiée peut ainsi croître plus rapidement et aura moins de difficultés à répliquer un génome plus petit. Cette manipulation génomique permet également de libérer de la place dans la cellule pour y insérer de nouveaux circuits synthétiques.

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Les recherches s’axent plutôt vers la recherche d’un protéome minimal en ne tenant pas compte des interactions avec le milieu extérieur régulées par des systèmes complexes peu connus. Ceci implique que cette cellule n'est pas censée survivre à des changements d'environnement. 

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Une étude a été menée au John Craig Venter Institute (JCVI) dans les années 2010 et 2016, au cours de laquelle les chercheurs sont partis de la plus petite cellule connue et ont tenté de réduire son génome. Ils ont commencé par étudier l’espèce Mycoplasma genitalium, composée de 480 gènes et 580 kb d’ADN (  ) (1/8 d’Escherichia coli). Mycoplasma présentait ainsi l’intérêt d’être déjà "minimale" naturellement. Cette étude a montré que 1/3 à 1/2 de ses gènes étaient considérés comme non-indispensables. De façon prévisible, les catégories fonctionnelles contenant la plus forte proportion de gènes indispensables sont liées aux processus cellulaires fondamentaux (fabrication de protéines, métabolisme, reproduction, transport...)

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Les chercheurs ont répertorié ces résultats sous la forme des deux diagrammes suivants :

En définitive ; 

Une cellule minimale n’est pas forcément idéale car c’est un organisme minimal qui est très lent (Mycoplasma créé par le JCVI est 3 fois plus lent que l’organisme de base) : la croissance du nouvel organisme crée est beaucoup plus faible.

kb ou kilobase = unité de mesure de la taille des acides nucléiques utilisée en biologie moléculaire.

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En savoir plus sur les mécanismes de transcription et de traduction en cliquant ici

 

  • L’approche BOTTOM UP : c’est une conception constructiviste. On part d’éléments individuels constituant une cellule (ADN, machinerie de traduction, transcription, réplication, acides aminés, ribosomes (  ), enveloppe….) et on va chercher à les assembler pour obtenir une cellule.

 

Cependant on se heurte rapidement à une difficulté. En effet, on peut synthétiser uniquement par chimie des molécules d’ADN et des acides aminés. Mais on ne peut pas forcément synthétiser in vitro certains éléments sans faire appel à un système vivant. De plus, on ne sait pas non plus assembler les protéines ribosomales et les ARN ribosomaux.

Prenons l’exemple du ribosome : celui-ci est composé en partie de protéines. Or à part l’enchainement de quelques peptides, nous ne sommes par encore capables de synthétiser par voie chimique de longues séquences protéiques.

 

Une première approche de la méthode Bottom up s’illustre à travers la protocellule. C’est une approche constructiviste qui consiste à créer une entité physique dans laquelle il y a les éléments nécessaires au vivant sans être un organisme vivant. On insère ainsi dans une vésicule les éléments du dogme (ADN sous forme de plasmide, machinerie de traduction et transcription, acides aminés, ribosomes…).

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Cependant l’entité obtenue n’est pas réplicative et n’est pas capable d’échanger avec le milieu ce qui en fait un système fermé qui atteindra l’équilibre thermodynamique = ce n’est pas évolutif et donc pas vivant.

La protocellule est donc intéressante d’un point de vue fondamental dans la question de l’apparition de la vie et c’est une étape dans la compréhension et la reconstruction de la vie.

Mais face aux difficultés, les chercheurs ont poursuivi en étudiant Mycoplasma mycoydes qui a un génome plus conséquent constitué de 1mégabase. En 2016, ils ont réussi à réduire la taille de ce génome d’un facteur 2. Ce travail fastidieux a permis d’identifier les gènes strictement essentiels à la survie de la cellule et ceux considérés comme non essentiels. Ainsi section de chromosome par section de chromosome, ils ont obtenu une souche vivante capable de croître toute seule et qui est toujours auto-réplicative. Cette étude a permis de consolider les connaissances quant aux éléments indispensables à la survie cellulaire tels que la présence d’une machinerie de réplication, de transcription et de traduction, un système de réparation de l’ADN, un système de production d’énergie, des transporteurs…

Vers la synthèse d'une cellule minimale 

Ribosome = particule non délimitée par une membrane et composée de deux types de molécules ;

  • protéines ribosomales

  • ARN ribosomal

grande sous-unité

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petite sous-unité

De plus, il est placé dans un environnement favorable avec tous les éléments nutritifs dont il a besoin pour ne remplir que ses fonctions fondamentales. Pour ces raisons, la cellule minimale ne peut pas directement être applicable en biotechnologie. cependant elle constitue une preuve de concept qui prouve l’intérêt fondamental de la biologie de synthèse.

L'enjeu, ici, est le suivant : on n’utilise pas directement la souche qu’on a synthétisé mais on recycle les techniques pour des objectifs appliqués. On travaille pour la connaissance, et on avance dans nos capacités techniques.

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